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  • jeudi 29 septembre 2016

    Les moustiques - Culicidae

    À n'en pas douter, le moustique est la bestiole la moins aimée de notre chère humanité éclairée. Il ne peut même pas se vanter de nous rendre phobique, comme la noble araignée ou la guêpe. Il se partagerait bien le podium avec la mouche, sauf qu'elle n'a pas l'outrecuidance de nous provoquer ces piqûres et démangeaisons désagréables. Certains scientifiques vont jusqu'à plaider que l'éradication des moustiques, au fond, ne changerait pas grand-chose dans nos écosystèmes...
    On l'aura compris, ils ne servent à rien. Si ce n'est à nous nuire, puisqu'ils se font surtout connaître pour leur rôle de vecteur d'agents pathogènes transmissibles à l'être humain. Mais qu'est donc bien venue faire cette bestiole dans la biosphère ?


    On a l'habitude de dire le moustique, la mouche, etc. En réalité, il en existe des milliers d'espèces. Pour faire un portrait un peu plus fin de ce diptère, la famille des Culicidés comporte plus de 3500 espèces répertoriées dans le monde, dont 200 piquent les animaux à sang chaud ou froid. Ils sont présents partout (sauf en Antarctique), dès qu'il y a un peu d'eau douce ou saumâtre stagnante. Mais les plus fortes densités sont en zone tropicale, puisque la température influence la durée de croissance (10 à 15 jours, c'est efficace pour renouveler les générations).

    Alors si l'on a besoin d'une approche utile / nuisible pour se convaincre encore de la nécessité de favoriser la plus grande biodiversité, voici des rôles moins médiatiques du moustique, qui peuvent intéresser l'homme (en vue de se nourrir par exemple ?)...


    PAS DE MOUSTIQUE, PAS DE CHOCOLAT !

    Tous les moustiques adultes ont principalement besoin d'eau et de sucre pour vivre, ils sont nectarivores. Seules les femelles de certaines espèces, après la fécondation et pour porter leurs œufs à maturité, ont besoin d'un apport en protéines qu'elles trouvent dans le sang des animaux. Les moustiques, sous leur forme aérienne adulte, ont donc en premier lieu un rôle de pollinisateur dans les écosystèmes.

    Là encore, la popularité n'étant pas au rendez-vous avec notre ami, leur « travail » dans ce domaine n'est pas très bien connu. Comme pour les autres diptères, ils jouent proba­blement un rôle majeur pour la pollinisation des petites fleurs, peu attractives pour les gros pollinisateurs.

    Cela est mieux connu pour le cacaoyer – qui produit des fruits dont on se préoccupe beaucoup – et qui dépend majoritai­rement de la pollinisation animale. Sa fleur est toute petite (1cm de long comme de large) et très tortueuse, si bien que seuls de petits insectes peuvent y pénétrer pour chercher le nectar et participer à la pollinisation, dont les moustiques en grand nombre sous les tropiques, aux côtés des fourmis.


    Fleur du cacaoyer
    (Theobroma cacao)

    Photo : Domste - CC BY-SA 3.0


    UNE PROIE DE CHOIX QUI NETTOIE

    Le moustique évolue selon 4 stades de développement, 3 aquatiques et 1 aérienne :

    1. l'œuf  -  2. la larve (qui mue plusieurs fois)  -  3. la pupe  -  4. l'imago
     Photos : domaine public

    La larve se nourrit de petits organismes présents dans l'eau (algues, bactéries, débris végétaux...) et est donc détritivore, elle nettoie. Elle contribue avec les autres formes de vie à l'épuration des eaux stagnantes. Elle peut filtrer jusqu'à 2 litres d'eau par jour.

    La larve fournit elle-même, par ses propres déchets, de l'azote naturellement disponible pour les plantes aquatiques. Elle est une nourriture abondante pour les larves de libellules et d'agrions, pour les dytiques, les poissons... De même que l'adulte est une importante source de nourriture pour de nombreux animaux : des arthropodes (araignées, mantes religieuses...), des poissons, des batraciens (grenouilles, crapauds), des sauriens (lézards, geckos), des oiseaux (hirondelle, martinet...), des chauve-souris...
    Sa présence en tant que proie est essentielle à l'équilibre de nombreux biotopes, en parti­culier ceux de type marécageux que nous connaissons bien dans le Sud de la France.

    Ce n'est pas un hasard si le moustique est l'une des formes de vie les plus productives en terme de multiplication. Par leur nombre considérable, les milliards de moustiques permettent de transférer une importante quantité de matière organique des milieux aquatiques aux milieux terrestres. Les larves de moustiques s'alimentent de très petites particules dans les eaux stagnantes, puis se transforment en moustiques adultes qui sont dévorés par divers prédateurs terrestres ou aériens. Toute cette biomasse vient enrichir la vie entière.



    C'EST LA LUTTE INFINIE...

    Mais voilà, les désagréments que nous connaissons dans nos contrées justifient, depuis de longues années déjà, la diffusion dans nos maisons de produits chimiques dont on ne connaît pas grand-chose, en serpentins à brûler, en pshitt pshitt à étaler, en plaquettes à brancher sur les prises électriques, etc., etc. Alors que soit dit en passant, constituent un rempart simple et efficace les moustiquaires ou les odeurs fortes de plantes qui les repoussent (citons, en-dehors de la citronnelle, la mélisse, les menthes fortes, le géranium odorant, l'eucalyptus citronné, le basilic à petites feuilles, le thym citron...). Et quand vous êtes piqués, n'oubliez pas le plantain !

    Grand plantain (Plantago major)

    Froissez ou mâchez une feuille de plantain pour en extraire le "jus", puis appliquez en massage sur la piqûre pour stopper la démangeaison.

    Ces désagréments deviennent tout à fait inacceptables lorsqu'ils influent sur l'activité économique et touristique de toute une région, et nécessitent pour le coup de bien plus gros moyens de lutte. Nous ne nous attarderons pas trop sur les opérations de démoustication qui ont lieu sur la côte méditerranéenne : drainage de zones humides, épandages de deltaméthrine (extrêmement toxique pour les poissons, les invertébrés d'eau douce, de nombreux insectes dont les abeilles) et épandages de Bacillus thuringiensis var. israelensis (reconnus toxiques pour d'autres espèces de diptères ; plusieurs études américaines ont montré une concentration progressive de Bt dans les cours d'eau et un impact croissant sur divers organismes aquatiques). Ces méthodes non-sélectives sont irréfléchies ; elles déséquilibrent les écosystèmes, déciment de nombreux insectes, réduisant du même coup et de façon alarmante les populations de prédateurs (affamés ou empoisonnés) : hirondelles et autres passereaux, libellules, araignées, chauve-souris... Quant au moustique, sa méthode de reproduction rapide et massive lui permet de s'adapter très vite à toutes sortes de situations, de développer des résistances aux poisons déversés et surtout, privés de bon nombre de ses prédateurs, de pulluler comme jamais.

    Pire encore, certains chercheurs camarguais pensent que les épandages répétés ont affaibli les moustiques locaux, pas bien dangereux pour l'homme mais fortement concurrentiels pour leurs cousins exotiques. De là à penser que les épandages ont contribué à la conquête par un nouveau venu de nos milieux, il n'y a qu'un pas.

    Et donc le voilà, Aedes albopictus, le fameux moustique-tigre venu d'Asie, plus « agressif » et vecteur de maladies. 

    Alors on passe au cran supérieur : un peu partout, mairies et conseils généraux distribuent des plaquettes de prévention censées nous enseigner comment éradiquer les moustiques en supprimant toutes les eaux stagnantes. Ces plaquettes et la plupart des sites internet tolèrent tout de même les bassins d'agréments, s'ils contiennent des poissons rouges et s'ils sont « régulièrement entretenus ».

    Assèchement et épandages meurtriers, il est donc toujours convenu que la seule manière de régler un déséquilibre environnemental est de se battre sans relâche ni espoir de victoire contre la nature. 


    Le moustique-tigre est souvent confondu avec d'autres espèces, mais il est facilement identifiable grâce à son vol lent : de petite taille, son corps est noir avec une ligne longitudinale blanche sur le dessus du thorax et de la tête, et des rayures blanches sur les pattes. Ses ailes noires ne comportent pas de taches.

    Photo : Snowyowls - CC BY-SA 2.5

    Sans oublier que supprimer un vecteur de maladies ne revient pas à supprimer la maladie elle-même. Car nous avons passé sur les manipulations génétiques qui se profilent pour empêcher la reproduction de ces individus, mais une fois le « problème » éradiqué qui sait qui viendrait prendre le relais ?


    LE STIQUE-MOU, NOTRE AMI

    Pour notre part, au jardin associatif de La Graine Indocile, notre solution face au moustique a été la même que pour tous les autres « nuisibles » : nous laissons la nature s'en occuper.

    Notre seule action a été, en 2010, de créer une mare naturelle sur le terrain. Aujourd'hui, ce plan d'eau entouré de hautes herbes, de tas de pierres et de jeunes arbres est devenu un habitat de choix pour une faune chaque année plus importante, parmi lesquels de nombreux mangeurs de moustiques.

    Car si ces derniers se reproduisent rapidement, c'est surtout parce que, naturellement, leur population est largement contrôlée par tous les prédateurs listés plus haut.

    Chaque année depuis sa création, cette mare naturelle qui borde le terrain s'enrichit de nouvelles espèces (et il va sans dire que cette population grandissante n'existerait pas dans un bassin régulièrement nettoyé à grands coups d'épuisette !).

    Alors pour qu'une larve de moustique atteigne l'âge adulte dans notre mare, il lui faut déjà survivre aux insectes aquatiques carnivores, aux grenouilles, aux poissons, aux oiseaux pêcheurs... Une fois adulte, il faut encore esquiver les toiles d'araignées et les libellules, puis les martinets et les chauve-souris qui chassent au-dessus, les lézards tapis dans les herbes... Autant vous dire qu'il n'y en a pas beaucoup pour venir nous piquer !

    Grâce à plusieurs autres petits points d'eau éparpillés sur le terrain, libellules et demoiselles osent s'aventurer assez loin de la mare pour chasser. Vers le centre du terrain, une seconde grande mare est en cours de creusage pour, entre autres raisons, multiplier les prédateurs dans les cultures et les zones où l'activité humaine est la plus importante.




    Bref, pardon de contredire toutes les campagnes officielles de prévention, mais à notre avis la solution simple et durablement efficace pour « contrôler » le moustique, c'est encore et toujours de favoriser la biodiversité partout où il se répand.

    Préservons les zones humides sauvage.
    Créons des mares, des abris, des nichoirs, des abreuvoirs...
    Et laissons la nature un peu tranquille !


    En lien avec cet article :
    Des nuisibles ?
    La zone sauvage du jardin du Grand Jas



    Cliquez pour dérouler les sources

    3 commentaires:

    1. Je suis 100% en phase avec ce qui est écrit ici, seulement en ce qui me concerne pour cette première année les prédateurs en question ont l'air de pas être au courant pour l'instant : que faire pour accélérer l'équilibre prédateurs / proies ? Faut-il mettre une pancarte "moustiques à gogo" ? Là c'est un peu comme si mes mares étaient devenues des fermes intensives à moustiques...

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    2. Article très intéressant surtout avec les photos bravo

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    3. Des chercheurs sont entrains de modifier génétiquement certaines espèces de moustiques (vecteurs de maladies) afin de diminuer leurs populations sauvages et donc les maladies qu'ils transmettent. La modification génétique est sensée se transmettre aux générations suivantes et ainsi se rependre dans toute la population naturelle.
      Qui sait ce que ça va donner sur le long terme...
      Sinon super article ! Il me semble également que certaines espèces de moustiques jouent un rôle clef dans certaines écosystèmes comme en Alaska où ils participent à faire migrer les caribous (à vérifier).

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