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  • jeudi 20 avril 2017

    L'aigremoine eupatoire - Agrimonia eupatoria L.


    L'AIGREMOINE eupatoire est une plante vivace de la famille des Rosaceae, cousine relativement proche des pimprenelles, des potentilles et des benoîtes. Comestible, médicinale, mellifère, ornementale, l'espèce ne manque pas d'intérêts !



    QU'EST-CE QUE C'EST QUE CE NOM ?

    Agrimonia est issu du grec ancien argema qui désigne un ulcère de l’œil, contre lequel on aurait employé jadis le suc de la plante. Quant à l'étymologie du nom eupatoria, elle est incertaine. Pour certains, le mot dérive du grec eupatôr qui signifie né d'un bon père, en référence à Mithridate VI Eupatôr, roi du Pont (en Anatolie) versé dans les sciences médicales et qui, au IIe siècle av. J.C., aurait découvert les vertus anti-inflammatoires de l'aigre­moine. Pour d'autres, eupatoria dériverait du grec ancien hêpatos (le foie), pour les bienfaits de la plante sur l'organe en question.

    Mithridate VI Eupatôr,
    sous les traits d'Héraclès
    (Musée du Louvre)

    Bref, par son nom, Agrimonia eupatoria se révèle déjà comme une plante utilisée de manière ancestrale pour ses vertus thérapeutiques. Mais nous y reviendrons...


    DESCRIPTION

    Mesurant jusqu'à 1,50m, la plante se caractérise par une tige dressée et poilue, des feuilles composées de 5 à 9 folioles dentées s'intercalant avec d'autres folioles plus petites, des fleurs jaunes en très longs épis qui apparaissent en été, et des fruits en forme de cônes munis d'une couronne d'arêtes crochues.



    Grâce à ces crochets, la dispersion des semences de l'aigremoine est épizoochore. Le mot en jette, c'est sûr, mais il signifie simplement que les graines voyagent en s'accrochant à nos chaussettes (et accessoirement aux plumes et aux poils des animaux).

    Du nord de l'Asie jusqu'au nord de l'Afrique en passant par l'Europe, la plante pousse un peu partout : lisières de forêts, clairières, prairies, chemins, fossés, haies, friches...
    Les travaux de Gérard Ducerf sur les plantes bio-indicatrices précisent que la présence d'A. eupatoria indique un sol humide ou asphyxié, ainsi qu'une évolution vers la forêt ; un diagnostic que nous avons pu vérifier au printemps 2016 lorsqu'elle est apparue au jardin du Grand Jas, près de la première mare (pour ceux qui connaissent le lieu). En effet, cette zone est inondable donc souvent asphyxiée, et laissée sauvage depuis plusieurs années, si bien qu'une forêt commence tout doucement à s'y installer, avec les premiers arbres pionniers (frêne du Midi et orme champêtre).

    USAGES

    Toutes les parties tendres de l'aigremoine eupatoire, fleurs comprises, sont comestibles et aromatiques. Ainsi, elles peuvent être utilisées en salade ou cuisinées comme légumes. En infusion, les feuilles et les fleurs donnent un thé agréable, au goût citronné.
    On trouve aussi diverses recettes de « vin d'aigremoine », pour lequel des feuilles ou des fleurs sont mises à fermenter dans de l'eau sucrée, parfois accompagnées d'agrumes et de raisin. L'ethnobotaniste François Couplan signale par ailleurs que les feuilles de la plante entrent dans la composition du ratafia catalan, une liqueur traditionnelle à base de noix.
    Selon certaines sources, les graines décor­tiquées sont également comestibles et la racine est utilisée pour aromatiser les ragoûts.

    Côté médicinal, nous l'évoquions plus haut, certaines vertus de l'aigremoine sont connues depuis l'Antiquité ; les premiers usages dateraient même de la Préhistoire. On connaît aujourd'hui ses propriétés astringentes, hypoglycémiantes, vulnéraires, anti-inflammatoires, cholagogues, antiaphoniques, toniques, antibactériennes, antivirales, antitumorales, analgésiques, antioxydantes, hépatoprotectrices... on s'arrête là ?
    C'est pourquoi les sommités fleuries peuvent être utilisées, principalement en infusion (à boire) contre de très nombreuses affections, notamment les diarrhées, les troubles gastro-intestinaux ou le diabète, ou en décoction (gargarismes) contre l'angine, les maux de gorge, les aphtes...

    L'aigremoine permet enfin de donner à la laine différentes teintes de jaune, selon qu'on utilise la plante entière fleurie ou seulement les feuilles.


    CONFUSION

    En France, on trouve aussi Agrimonia procera, l'aigremoine élevée. Elle est extrêmement proche de A. eupatoria, mais s'en différencie par sa taille réduite, la forme de ses fruits, son milieu (ombragé et frais), et par la présence de petites glandes odorantes sous les feuilles qui dégagent un parfum agréable lorsqu'on les froisse.
    On lui attribue sensiblement les mêmes usages et les mêmes vertus, mais elle est bien plus rare ; mieux vaut donc éviter de la cueillir.


    Akène (fruit sec à graine unique) de A. eupatoria.

    Akène de A. procera. Le réceptacle n'est pas cannelé et les arêtes sont bien plus recourbées.


    AU JARDIN

    La pollinisation de A. eupatoria se fait par les insectes. Difficile de dénicher une liste bien fournie de ces pollinisateurs, mais on trouve tout de même, pour la France : l'abeille domestique, plusieurs espèces de syrphes dont le syrphe ceinturé, le syrphe porte-plume, la rhyngie long-nez et Melanostoma scalare, et des papillons comme l'argus bleu-nacré et le demi-deuil. Avec un peu de chance, en ouvrant l’œil aux prochaines floraisons, nous pourrons identifier d'autres visiteurs...


    Argus bleu nacré (sur orteil)
    Polyommatus coridon

    Rhingie long-nez
    Rhingia campestris

    Syrphe ceinturé (sur lierre)
    Episyrphus balteatus

    Syrphe porte-plume (sur A. eupatoria)
    Sphaerophoria scripta

    Demi-deuil
    Melanargia galathea

    Syrphe Melanostoma scalare attaqué par l'araignée-crabe Misumena vatia , sous le regard indifférent d'un Coléo­ptère (sur A. eupatoria)

    En passant, précisons que si les syrphes adultes sont floricoles, leurs larves sont quant à elles friandes de petits invertébrés, en particulier de pucerons.

    Laisser autant de place que possible à la végétation spontanée autour ou au milieu des cultures a déjà ce premier avantage d'attirer les pollinisateurs et les prédateurs, mais cela permet aussi d'accueillir une biodiversité toute spécifique. Par exemple, les larves de Macrophya rufipes et Hartigia linearis, deux espèces d'Hyménoptères proches des guêpes, se nourrissent exclusivement sur l'aigremoine eupatoire. La première est une « fausse chenille » qui se nourrit sur les feuilles, la seconde creuse dans les tiges.

    Hartigia linearis

    Mais les insectes ne sont pas tous monophages (loin de là !). C'est pourquoi un autre intérêt à l'association cultures / plantes sauvages est de détourner les ravageurs potentiels. En effet, il n'est pas rare que des bestioles s'attaquent à nos plantations à défaut de pouvoir trouver leurs hôtes favoris, qui sont bien souvent des espèces sauvages.

    Sur cette base, nous avons pu dresser le tableau suivant :


    Invertébrés se nourrissant
    sur l'aigremoine eupatoire

    (liste pas du tout exhaustive)
    Mode d'alimentation
    (pas exhaustif non plus)
    Cultures potentiellement
    épargnées grâce à la présence
    d'aigremoine eupatoire

    (toujours pas exhaustif)
    Thrips vulgatissimus Ce minuscule suceur de sève vit principalement sur des fleurs blan­ches. Il est possible qu'il participe à leur pollinisation.
    Sureaux, Prunus sp., poiriers, choux, betteraves, ombellifères, rosiers.
    Puceron du géranium
    Acyrthosiphon malvae
    Ses colonies se développent sur les pétioles et la face inférieure des feuilles. Il est vecteur du virus de la marbrure du fraisier (SMV).
    Fraisiers.
    Cicadelle des petits fruits
    Ribautiana tenerrima
    Cet insecte suceur pique la face supérieure des feuilles.
    Ronces, noisetiers, Prunus sp.
    Hespérie de la mauve
    Pyrgus malvae
    La chenille de ce papillon diurne se nourrit de feuilles.
    Fraisiers, framboisiers, ronces.
    Flamme
    Endotricha flammealis
    La chenille de ce papillon de nuit se nourrit de feuilles, puis de litière à l'automne.
    Noisetiers et autres arbres.
    Coleophora potentillae Les chenilles de ces papillons de nuit minent les feuilles.
    Ronces, Prunus sp., rosiers, fraisiers, groseilliers, cassissiers, pommiers.
    Stigmella aurella Ronces, fraisiers, framboisiers.
    Stigmella aeneofasciella Fraisiers.
    Rhynchite coupe-bourgeon
    Haplorhynchites caeruleus
    Ce charançon sectionne les feuilles et jeunes pousses.
    De nombreux fruitiers de la famille des Rosaceae (Prunus sp., pommiers, poiriers, sorbiers, néfliers, cognas­siers).
    Bupreste du fraisier
    Coroebus elatus
    La larve de ce Coléoptère creuse des galeries dans les racines.
    Fraisiers.
    Mouche mineuse
    de la potentille

    Agromyza potentillae
    Ses larves minent les feuilles.
    Fraisiers, framboisiers, ronces et rosiers.
    etc. etc.
    etc.


    Flamme

    Hespérie de la mauve

    Stigmella aurella

    Rhynchite coupe-bourgeon


    Par ce tableau, nous ne voulons pas insinuer que l'aigremoine est une plante compagne exceptionnelle. En tant que Rosaceae, elle apparaît comme particulièrement intéressante face aux attaques sur d'autres Rosaceae comme le fraisier, la ronce ou les arbres fruitiers les plus communs, mais de nombreuses espèces le sont tout autant. Par ailleurs, certains des invertébrés listés ici préféreront peut-être l'une ou l'autre de nos plantations à l'aigremoine. Mais, attendu que toutes les plantes spontanées sont justement d'excellentes compagnes, le tableau ci-dessus donne, selon nous, un tout petit aperçu de l'influence que peut avoir une zone sauvage très diversifiée sur les cultures dans un jardin.


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