Peut-être avez-vous déjà entendu
parler des monnaies locales complémentaires citoyennes (ou MLCC). Les plus
connues sont peut-être celles de la Grèce qui les a mises en place
dans certaines villes pour pallier à la crise économique, le WIR
utilisé par les entreprises Suisses qui se protègent des variations
économiques internationales grâce à leur monnaie locale, ou encore
celle utilisée à Londres dans le quartier de Brixton par certains
pour les achats du quotidien afin de recréer du lien entre les
habitants et de soutenir l'économie locale suite à la crise
économique de 2009. Mais en France aussi, il existe plusieurs
monnaies locales en circulation. Voici quelques lignes pour y voir
plus clair...et des vidéos en fin d'article !
SYSTÈME MONÉTAIRE CLASSIQUE
Pour bien comprendre l'intérêt d'une
monnaie locale, il nous semble essentiel de revenir sur le système
monétaire classique.
L'économie
réelle
Nous connaissons tous les pièces,
billets d'euros, chèques que l'on échange à la boulangerie par
exemple, ou chez le coiffeur. Tous ces échanges commerciaux font
partie de l'économie réelle, c'est à dire l'échange d'argent
contre des biens et des services dans notre vie quotidienne. On
considère que ces échanges créent de la richesse car l'argent est
transformé en autre chose que de l'argent.
L'économie
financière
Quant à l'économie financière, elle
ne produit pas de richesse. Elle reste sur le marché financier et
alimente la bourse, le marché des capitaux et des obligations, sert
à financer les entreprises, les crédits, etc... Dans ce système,
l'argent crée de l'argent. Nous sommes donc dans un système où la
finalité est l'argent quand dans l'économie réelle, l'argent n'est
qu'un moyen.
Il existe des ponts entre ces deux
économies, bien entendu, puisque souvent, l'argent de la finance
permet d'investir, via les banques ou la bourse, dans des entreprises
qui créeront ensuite des biens ou des services... Mais ne nous
leurrons pas, la part des entreprises familiales installées dans nos
territoires et utilisant les circuits courts n'est pas la plus
grande. Ce sont plutôt des multinationales qui contribuent à
alimenter le système financier. Par définition, elles ont un but
lucratif et souhaitent donc augmenter leurs bénéfices en
privilégiant généralement les stratégies qui « coûtent »
moins cher. Cela, malheureusement, bien souvent au détriment de
l'éthique, de l'écologie ou encore de la solidarité... Difficile,
une fois que l'argent est entré dans le circuit bancaire de savoir
quels projets vont être financés (armement, projets dégradant
l'environnement, projets amenuisant les ressources naturelles,
projets impactant négativement les populations locales, etc.).
Quand on regarde la proportion de ces
deux économies, on peut s'attendre à un équilibre, et pourtant...
Seuls 3% environ de l'économie représente l'économie réelle,
contre 97% pour la sphère financière... Ces chiffres paraissent
bien éloignés de notre quotidien. Lorsque l'on passe par la plupart
des banques, il nous est quasiment impossible de savoir comment notre
argent va être employé, et dans 97% des cas, il finira par se
retrouver dans le circuit de la finance.
La valeur des
monnaies nationales
Il est important aussi de savoir que
c'est le marché financier qui définit la valeur des monnaies
nationales, suivant différents critères telles la richesse d'un
pays, mais aussi selon « la confiance » qu'ont les
investisseurs dans cette monnaie. C'est ainsi qu'1 euro reste 1 euro
à l'échelle locale, mais à l'échelle internationale, s'il y a
« crise économique, », que l'indice de confiance dans la
valeur de la monnaie chute, 1 euro, n'aura plus la même valeur :
pour acheter un même bien produit à l'étranger, il faudra dépenser
plus d'euros. C'est d'ailleurs suite à des crises économiques que
des citoyens d'Angleterre et de Grèce ont développé des MLCC afin
de relancer l'économie locale, de répondre aux besoins des
citoyens, offrant localement une certaine stabilité dans un contexte
économique international incertain.
QUOI FAIRE ?
Si l'on cherche à agir à son propre
niveau, face aux grands traders, aux banques, on se sent parfois un
peu démuni sans savoir vraiment quel moyen utiliser pour lutter
contre cet état de fait.
LA MONNAIE LOCALE COMPLÉMENTAIRE
La monnaie
locale complémentaire est une monnaie légale qui sert de
dispositif d’échanges locaux de biens, de services et de savoirs.
Elle est souvent gérée par une association et se limite à un
territoire donné. Elle n'alimente donc pas la bourse, le placement
dans des projets dont nous ne connaissons pas grand chose, ni la
création virtuelle d'argent via les crédits. En effet, elle circule
uniquement parmi les artisans, commerces, créateurs locaux qui sont
adhérents au système. Son but étant de redynamiser l'économie
locale, de lutter activement contre la finance et de défendre des
valeurs citoyennes fortes.
QUI L'UTILISE
ET POURQUOI ?
Le réseau des monnaies locales
souhaite accueillir dans ses accepteurs, des acteurs engagés sur le
territoire, qui ont des valeurs de solidarité envers l'économie
locale (circuits-courts), un engagement écologique et des valeurs de
partage et de lien social. Tous seront adhérents et les différents
accepteurs sont des commerces, des artisans, des personnes exerçant
des professions libérales, des gîtes ou chambres d'hôtes, des
restaurants, des cafés, des associations, des épiceries, etc...
L'idée étant que ces accepteurs, une
fois la monnaie locale encaissée, s'approvisionnent chez des
fournisseurs locaux qui l'utilisent aussi, lui permettant ainsi de
continuer à circuler.
Quant aux utilis'acteurs, tout le
monde, en tant que citoyen, peut rejoindre l'association pour faire
ses achats en monnaie locale et participer à son développement.
Pourquoi ?
En utilisant une MLCC pour les achats du
quotidien, nous soutenons des acteurs de notre territoire. Nous
savons ainsi que l'argent sera remis en circulation et
qu'il alimentera exclusivement l'économie locale, sociale et
solidaire. Il n'est pas un but en soi, il n'est qu'un moyen
d'échange. Cette monnaie n'est pas utilisée dans un but spéculatif.
Quand nous utilisons ce type de monnaie
d'échange pour effectuer nos achats, nous affirmons notre autonomie
face aux grandes banques et aux lobbies financiers. En échangeant
des euros, nous contribuons activement à augmenter la part des 3% de
l'économie réelle. Nous favorisons des circuits courts, contribuant
ainsi à limiter le réchauffement climatique, nous sommes acteurs
sur notre territoire en soutenant des artisans et commerçants
engagés, et nous faisons partie d'un réseau grandissant de
personnes pour qui ces valeurs sont importantes.
Il est vrai qu'aujourd'hui encore, la
part des monnaies locales ne représente pas un grand pourcentage des
échanges monétaires et ne pèse pas encore très lourd dans la
balance, mais nous avons espoir qu'avec le temps et l'implication de
chacun, cela pourrait changer. Nous ne sommes plus seuls face aux
géants de la finance qui semblent si loin de notre quotidien, nous
sommes un + un + un +..., avec entre nos mains un outil pouvant faire
la différence...
LA
CHARTE DES MONNAIES LOCALES
Il
existe une charte des monnaies locales complémentaires citoyennes que
les associations signent. Cette charte permet de rassembler autour
des valeurs communes les acteurs du réseau d'utilisateurs de ces
monnaies et fixe un cadre pour leur mise en place. Cependant, sur de
nombreux points, chaque région est libre d'adapter son système à
la dynamique et aux désirs des personnes actives dans la création de la monnaie.
La
sociocratie
Ainsi,
chaque association est invitée à réfléchir à sa façon de
prendre les décisions. Le vote à la majorité va certainement plus
vite pour la prise de décision mais peut créer des frustrations
pour les personnes qui n'approuvent pas le projet. Chacun est donc
incité à utiliser le processus « sociocratique »
où les décisions sont l’aboutissement d’échanges conduisant au
consentement de l’ensemble des participants par levée progressive
des objections.
La monnaie
fondante
De même, certaines régions opteront
pour une monnaie dite « fondante », c'est-à-dire qu'elle
perdra régulièrement de sa valeur (tous les 3 ou 6 mois par
exemple). Bien qu'elle nécessite une gestion bien particulière et
peut parfois être vue comme une incitation à la consommation,
l'objectif de ce dispositif est d'inciter les personnes à faire
circuler la monnaie, et ne pas la thésauriser. En effet, il n'y a
aucun intérêt à garder l'argent car il perd de la valeur s'il ne
circule pas.
La commission de
reconversion
Une commission de reconversion peut
être définie, c'est à dire que l'association garde un pourcentage
de la valeur dans le cadre d'un reconversion vers la monnaie
nationale, cela afin d'inciter les personnes à
garder et utiliser leur monnaie locale.
Le choix de la
banque
Tout
d'abord, il faut savoir que le choix de la banque a son importance.
En effet, si l'association ouvre un compte dans une banque qui place
ses fonds sur les marchés financiers, l'impact du projet serait
amoindri. C'est pourquoi les banques éthiques sont privilégiées
pour placer l'argent récolté. Grâce, notamment au travail des Amis
de la Terre qui ont mené l'enquête sur l'impact environnemental et
social de plusieurs banques, trois banques, en France sont souvent
retenues en raison de leur engagement éthique car elles ne spéculent
pas sur les marchés financiers, soutiennent l'économie locale et
réelle ou font le choix de soutenir uniquement des projets
solidaires. Elles affichent une transparence dans leurs transactions
et définissent des critères précis pour le choix des projets
qu'elles financent. Ce sont la Nef, le Crédit Coopératif et le
Crédit Municipal.
Bien
entendu, chacune de ces banques a ses limites, c'est pourquoi
chaque association choisit la banque qui accueillera ses euros
récoltés appelé « fond de réserve » ou « fond
de garantie », après avoir pesé le pour et le contre, en
ayant conscience de l'éthique des différents organismes bancaires.
De
nombreux autres paramètres comme la valeur d'équivalence (le taux
de change entre monnaie locale et monnaie nationale), le nom,
l'aspect, la forme des comptoirs d'échanges (là où l'on peut
échanger ses euros contre la monnaie locale), etc., sont autant
d'autres points qui doivent être réfléchis et discutés localement
pour trouver une monnaie qui conviendra le mieux à ceux qui
l'utilisent.
LE
FOND DE RÉSERVE
L'association
a l'obligation de garder accessible à tout moment la trésorerie
issue de la conversion de la monnaie locale en circulation, dans le
cas où il faudrait massivement la reconvertir en euros. Elle ne peut
pas être utilisée par l'association ou être placée sur des
comptes où elle ne serait pas accessible immédiatement.
La
constitution de ce fond de réserve en euros assure aussi la
confiance dans la monnaie complémentaire. En effet, la confiance
généralement attribuée à l'euro bénéficie de fait à la monnaie
locale. En particulier auprès des prestataires, qui l'acceptent en paiement. Ils savent que dans tous les
cas, s'ils ne parviennent pas à la réutiliser faute d'accepteurs
tiers, ils pourront toujours la reconvertir contre des euros auprès
de l'Association. Euros dans lesquels ils gardent une solide
confiance.
CONCRÈTEMENT
EN CORRÈZE,
comment ça marche ?
Depuis
peu, chez la Graine Indocile, quand vous venez nous rencontrer, vous
pouvez faire un don, adhérer, payer une formation, vos bières (de
la brasserie bio et locale) ou vos t-shirts (en coton bio imprimés
en France) en pélous, la monnaie locale du Limousin ! Après
plusieurs années de réflexions, c'est en 2015 que l'association
« le chemin limousin » a lancé et mis en circulation le
pélou en Corrèze et Haute-Vienne.
Comment
échanger des euros en pélous ?
Concrètement,
pour devenir utilis'acteur, il suffit d'adhérer à l'association qui
gère la monnaie locale, chez nous c'est le
chemin limousin.
Pour
le change, rien de plus simple, 1 euro = 1 pélou. Il suffit d'aller
rencontrer un des « comptoirs d'échange » qui change les
euros en pélous. C'est une personne mobile ou un commerce engagé
qui accepte d'offrir bénévolement de son temps pour faire le
change. Ils sont référencés sur le site de l'association. Une fois
ses pélous en poche, il est possible de les utiliser chez tous les
accepteurs qui figurent dans l'annuaire régulièrement mis à jour
sur le site internet du pélou.
Convertir
des pélous en euros ?
Même
si ce n'est pas l'objectif, il est possible de reconvertir ses pélous
en euros. Cela se passe aussi auprès des comptoirs d'échanges. Le
chemin limousin gardera une commission de reconversion de 2%. Ainsi,
pour 10 pélous à convertir, je récupère 9,80 euros...
LA
MONNAIE, MAIS PAS QUE ÇA...
Au-delà
de l'aspect purement économique de cet outil, la mise en place des
monnaies locales a pour but de transformer les rapports humains par
des échanges qui redonnent un sentiment d'appartenance, c'est une aventure
humaine et citoyenne très enrichissante qui enthousiasme les personnes adhérentes
à ces systèmes.
L’existence de cette monnaie n'empêche par de
continuer les échanges directs, la réutilisation, le troc, le don, etc.
De nombreux systèmes alternatifs à la
monnaie se développent. Parmi eux, les « foires aux dons »
ou « gratiférias » s'organisent dans les événements
pour transformer les échanges marchands en partage et ainsi créer
l'abondance par la circulation gratuite de choses dont on ne se sert
plus. Un objet pourra donc avoir deux, trois, quatre vies ou plus.
Les SEL (Système d’Échange Local) ou les JEU (Jardin d’Échange Universel) proposent de mettre
en réseau des personnes ayant des compétences diverses et de
favoriser l'échange direct, sans monnaie intermédiaire.
Les trocs aux plantes, les fontaines
aux livres ou les bourses aux graines sont aussi d'autres manières
de créer l'abondance par le partage, l'échange ou le don.
Il existe bien d'autres manières d'échanger, et plus nombreuses encore sont
celles qui restent à inventer afin de créer le monde dont nous
rêvons.
De manière générale, il existe de
multiples façons de "bien" faire. Ce principe cher à La Graine
Indocile montre que plus nous développerons une diversité dans la
manière d'échanger avec les autres, plus nos rapports seront
résilients et stables. Si par exemple, nous utilisons en partie une
monnaie locale, si nous sommes impliqués dans un SEL, que nous
entretenons de bonnes relations avec notre voisinage avec lequel nous
échangeons régulièrement des coups de main et que nous produisons
une partie de ce dont nous avons besoin (énergie, alimentation,
etc...), nous serons de fait moins impactés par une éventuelle
crise de l'Euro...
Voici quelques vidéos pour aller plus loin dans la compréhension des MLCC
Sources et Liens internet
Les illustrations sont tirées des sites : www.lecheminlimousin.org et http://fotomelia.com/
Merci pour l'info !
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerA l'heure de la révolution blockchain, je comprends pas pourquoi ces monnaies ne se tournent vers la création une monnaie numérique. Bien sur le seul inconvénient que je vois c'est côté énergivore ( donc écologique) de ce type de projet. Mais face aux nombreux avantages que ce la peut apporter, le jeux en vaut la chandelle.
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