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  • vendredi 15 juillet 2016

    Qu'est-ce qu'une butte en permaculture ?

    LA "butte de permaculture", voilà une formule qu'on l'on entend de plus en plus, bien souvent pour désigner une butte de terre ou de compost dans laquelle on intègre du bois en décomposition, où l'on "polycultive" des plantes potagères et que l'on couvre régulièrement de matière organique.

    Cette façon de faire peut être très efficace, mais rappelons tout d'abord que la permaculture n'est pas une technique de jardinage ! C'est une façon de penser et d’aménager les territoires pour la création d'un mode de vie soutenable. Cela n'impose aucunement la culture de légumes, ni la création de quelque butte que ce soit. Donc réponse courte : une butte en permaculture, ce n'est qu'un petit élément facultatif à intégrer dans un grand tout !


    Les différents domaines de conception en permaculture
    (schéma de David Holmgren, adapté par permacultureprinciples.com)



    UN ÉLÉMENT D'UN SYSTÈME

    Cultiver une butte en permaculture implique de prendre soin de la biodiversité (y compris souterraine) en préservant des plantes sauvages sur la butte et alentour, en créant des lieux d'accueil pour la faune à proximité (mare naturelle, hautes herbes, tas de pierres...), en pratiquant le non-labour, en bannissant tout pesticide (naturel ou non) et tout engrais de synthèse (néfaste pour la vie du sol), bref en permettant à un maximum d'espèces animales et végétales de s'installer et de se nourrir, pour que se mettent en place des écosystèmes naturellement équilibrés et autonomes ou presque, et pour l'augmentation constante de la fertilité sans dépense d'énergie, par la création d'humus.
    À propos d'énergie, cultiver une butte en permaculture implique aussi d'en limiter les arrosages (surtout pompés dans les nappes) en récupérant les eaux pluviales, en sélectionnant des semences résistantes au climat local, en opérant des arrosages réfléchis plutôt que du goutte-à-goutte permanent,  pour forcer les racines à plonger dans le sol et s'autonomiser.
    Enfin, cultiver une butte en permaculture, c'est aussi l'intégrer dans un système global en permaculture, où des toilettes sèches et des déchets de cuisine fournissent le compost, où le soleil chauffe la serre à semis, où des arbres fournissent des feuilles mortes ou du broyat pour le paillage, de l'ombre, des manches à outils, du bois pourri à enterrer éventuellement dans la butte, etc., etc.

    Dans un système en permaculture, on fait naître autant
     d'interactions que possible entre les différents éléments.



    EMPLACEMENT ET COMPOSITION

    Cultiver sur butte plutôt qu'à plat a des conséquences sur le drainage, l'évaporation, l'ensoleillement, l'exposition au vent, la végétation spontanée, l'activité des microorganismes, la surface cultivable et l'ergonomie. Selon les conditions et selon les jardiniers, chacune de ces conséquences peut devenir un avantage ou un inconvénient. Et pour certains d'entre nous, une culture à plat sera même plus efficace et nécessitera beaucoup moins de travail !

    Il apparaît clair que ce n'est pas la composition même d'une butte qui la rendra "en permaculture" ou non, mais plutôt son adéquation avec le climat, le sol, les cultures souhaitées ou encore la façon d'arroser.

    Une simple butte de terre permettra de drainer l'eau sur un sol marécageux. Du bois pourri au cœur de la butte permettra au contraire d'y stocker de l'eau. Une butte en lasagnes apportera énormément de fertilité sur un sol épuisé ou inexistant. Un coffrage permettra de maintenir la butte en place, de jardiner debout ou de barrer la route aux sangliers. S'il est en bottes de paille, il stockera de l'eau et servira d'isolant. Des buttes très courbées offriront différentes expositions pour des cultures en plein soleil, à l'ombre, au chaud dès le matin..., ainsi que de plus grandes opportunités à la faune sauvage pour s'abriter et circuler. Sur un terrain en pente, une butte peut suivre une courbe de niveau et ainsi capter les ruissellements. Une zone surélevée , quelle qu'elle soit, peut aussi permettre de cultiver au pied d'un arbre sans être gêné par ses racines...




    Bref, il n'existe pas de recette toute faite reproductible partout et pour tout le monde, mais un très grand nombre de possibilités à expérimenter et à adapter. Et c'est bien pour cette raison que la culture sur buttes est si intéressante en permaculture.


    Ici, nous avons créé une "lasagne" en alternant des couches de matières carbonées et azotées (paille et tonte fraîche en l'occurrence), puis une bonne couche de compost mélangé à de la terre et un paillage. La lasagne est une technique efficace immédiatement qui nous convient particulièrement car, les buttes se décomposant assez rapidement, nous pouvons les renouveler chaque année lors de nouvelles formations, et au passage obtenir de grandes quantités de compost.
    Le coffrage en bottes de paille nous permet de pallier à la fois les nuits très froides du printemps et la longue sècheresse estivale.


    Une butte peut donc être composée de matériaux très divers, et l'on en vient souvent à se demander lesquels sont à favoriser et lesquels sont à bannir.
    Pour nous, cela dépend avant tout des matériaux disponibles sur place car, d'un terrain à l'autre, on pourra ramasser tel ou tel bois mort, telles feuilles mortes ou telles herbes sèches, faucher l'herbe fraîche d'une allée ou récupérer du fumier... Valoriser la diversité et les ressources locales est un principe essentiel de la permaculture, puisque importer de la matière organique sur un terrain implique toujours une dépense d'énergie et souvent une pollution. Il serait vraiment dommage de se passer de celle déjà à portée de main en allant "dépouiller" un autre endroit.

    Sur le jardin du Grand Jas, nous apportons régulièrement de la paille produite localement, mais nous comptons bien nous en affranchir, aussitôt que les arbres (encore jeunes) fourniront suffisamment de matière pour répondre aux besoins du lieu.
     

    Lors de cette formation sur un terrain assez arboré, nous disposions de bois en décomposition et d'humus. Nous avons donc étalé une bonne couche de bois pourri au sol (pour faire office d'éponge et pallier à la sécheresse du lieu). Une tranchée peu profonde a été creusée de chaque côté pour fournir la terre, que nous avons rabattue par-dessus le bois pour créer la butte. Nous avons ajouté ensuite une couche d'humus pour enrichir la zone, installé les premières plantations en terre et couvert de paille.



    MATÉRIAUX NOCIFS

    Il nous est souvent demandé si tel ou tel matériau est utilisable, car une infinité de végétaux sont décriés, sur internet ou ailleurs, pour un usage au jardin. Les feuilles de chêne, de platane, de laurier, de thuya, de noyer, les aiguilles de conifères et un tas d'autres matières végétales sont généralement bannies du tas de compost ou du paillage car lentes à se décomposer, riches en substances acidifiantes, porteuses de maladies ou encore inhibitrices du développement de telle ou telle culture. Pour des raisons similaires, l'apport de cendre, de restes de viande, d'agrumes, etc. sont aussi déconseillés.

    Pourtant, dans la nature, toutes les matières organiques sont compostées, du moment que des vers, insectes, champignons et autres bactéries y ont accès. Un tas de feuilles mortes de chêne ou de platane mettra très longtemps à se composter car ce sont des matériaux très carbonés, très durs, que les organismes auront plus de mal attaquer que, par exemple, une épluchure de carotte ou une feuille de frêne. Mais la décomposition finira toujours par se faire. Certains composts à chaud comme le compost Berkeley viennent à bout d'à peu près n'importe quel végétal assez rapidement, s'ils sont bien faits. Même la carcasse d'un animal finit toujours par faire du terreau !

    La particularité de la cendre de bois est que, mélangée à de l'eau, cela donne de la soude, fortement corrosive et nuisible pour la vie du sol (bien qu'une petite poignée par-ci par-là ne pose pas de problème). D'ailleurs, la cendre, la sciure fine ou le marc de café, toutes les poudres très fines en fait, créeront une croûte asphyxiante si elles sont étalées en couche épaisse.

    Avec le compostage, l'acidité et la "toxicité" des végétaux disparaît. C'est pourquoi l'apport de feuilles de chêne, de noyer ou d'aiguilles de pin en décomposition n'est pas problématique.
    Si les feuilles en question ne sont pas du tout décomposées, mieux vaut effectivement éviter de les utiliser en couche épaisse pour couvrir une culture, mais on peut par contre les mélanger à d'autres végétaux et/ou intercaler une couche de matière azotée (épluchures, tonte) en dessous, et leurs effets ne s'en ressentiront plus.

    D'ailleurs, en définitive, le plus simple est d'apporter un maximum de diversité de matières, afin qu'aucun excès de quoi que ce soit n'apparaisse, tout comme une grande biodiversité empêche le pullulement d'une espèce.

    Beaucoup de maraîchers ont pour habitude d'arracher les plants de tomate ou de courge en fin de vie (et de les brûler !) car ils sont porteurs de champignons pathogènes. Mais en coupant ces plantes au lieu de les arracher, les racines restées dans le sol se décomposent et fournissent de l'air et de la nourriture à la vie souterraine. La partie coupée peut être redéposée sur place pour s'ajouter au paillage déjà existant ou, si elle est encore verte, sous le paillage pour apporter de l'azote au sol. Si elle est infectée par un champignon, elle attirera divers animaux décomposeurs friands de champignons, comme certaines coccinelles, des coléoptères, et même des limaces, qui préfèreront manger ces feuilles malades plutôt que des plantes saines. Et par la sélection de semences, la non-taille, la polyculture et le respect de la biodiversité, les champignons pathogènes cessent rapidement de poser problème.

    Dans les jardins de La Graine Indocile, toute la matière organique est rendue au sol, via un compost, un paillage ou l'intestin d'une poule. Les feuilles de chêne font un très bon mulch qu'il faut parfois couvrir de quelques branchages pour ne pas qu'elles s'envolent.

    Nous avons peu d'expérience avec les conifères, mais certains jardiniers, comme Philippe Forrer, ont montré d'excellents résultats de cultures paillées aux aiguilles de conifères. De nombreux facteurs peuvent entrer en jeu : le pH initial du sol, le degré de dégradation des aiguilles ramassées, l'adaptation des cultures... Il faut donc essayer !
     
    On entend souvent dire que rien ne pousse sous les conifères, sous les chênes, sous les noyers... Effectivement, ces arbres sécrètent des substances qui inhibent la germination de certaines plantes, mais en réalité, c'est surtout le manque de lumière qui peut faire que "rien ne pousse". Il suffit d'aller voir sous ces arbres en bordure de clairière ou de lisière pour s'apercevoir que de nombreuses espèces peuvent y pousser. Reste à trouver quelles cultures se plairont ou non sous les vôtres...
    L'expérience a montré que sous un noyer, les pommes de terre ou le blé, par exemple, poussent sans problème ; mieux encore, la juglone sécrétée par le noyer limite la levée de nombreuses herbes spontanées, donc les cultures sont moins concurrencées.


    Mi-juillet, au pied de ce noyer, nous avons trouvé : sauge fausse-verveine, chénopode, herbe au bitu­me, scabieuse et plusieurs graminées. Impossible de croire que rien ne pousse sous un noyer, pour peu qu'on y jette un œil, a fortiori au printemps, lorsque la végétation est bien plus abondante !


    CONCLUSION

    L'important est de saisir qu'en permaculture, nous souhaitons atteindre l'autonomie et l'équilibre d'un système, qu'il s'agisse d'un jardin, d'une ferme ou de toute autre chose. Mais c'est un objectif et non une règle pour juger de qui fait bien ou qui fait mal ! Nous ne sommes pas en train de dire qu'une butte de culture est mauvaise si elle est arrosée par forage ou amendée à l'aide de matériaux venus de loin. Elle est seulement améliorable, et ça aussi c'est une bonne chose.

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